La maison de mes rêves existe, j’y vais régulièrement.
Au Mexique, sur une plage du Pacifique, se dresse une maison à trois murs. Oui, trois murs. Le quatrième manque. Comme au théâtre. Il n’a pas été construit car il nous priverait du sable, des vagues, de l’horizon. Salon et salle à manger restent donc une scène ouverte sur le spectacle de la nature. Il paraît que poissons volants, pélicans et tortues apprécient eux-aussi de leur côté.
Marie-Carmen, une amie mexicaine, a élaboré cette maison comme elle peint ses tableaux, avec fantaisie, audace et sens des couleurs. Pas de chauffage car nous sommes aux tropiques. A peine un toit car il ne faut pas provoquer les tornades. Pas de porte ni de serrure mais deux labradors et la bienveillance des villageois alentour. Des formes lisses ou rondes, comme si tout était galet poli par les flots.
Vous l’aurez compris, ce n’est pas seulement la maison de mes rêves, c’est la maison où je rêve. Tels des œufs de tortues ensablés, en attendant d’éclore, mes livres ont été conçus là, y ont dormi, grandi avant de briser leurs coquilles pour parcourir le monde.
On parle des jardins d’Eden ; je connais la maison d’Eden.
Eric-Emmanuel Schmitt • Maison Française • 2006